Méthodes d’étude du développement
Martin Catala
Laboratoire d’histologie et embryologie
Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière
Université Pierre et Marie Curie, Paris


L’étude du développement a connu un essor considérable ces dernières années. Avec Scott Gilbert, on peut résumer les questions qui se posent aux biologistes du développement ainsi :
(1) quels sont les mécanismes de la différenciation ?
(2) comment est régulée la formation des organes ou morphogenèse ?
(3) quel est le contrôle de la croissance ?
(4) comment est assurée la reproduction d’une espèce ?
(5) quels sont les rapports entre évolution et développement ?
(6) comment la cellule embryonnaire intègre t-elle son environnement ?
Afin de répondre à ces questions de nombreuses stratégies expérimentales ont été développées faisant appel à des très nombreux organismes modèles. Ces organismes sont très divers allant des végétaux jusqu’aux mammifères. Chaque modèle animal a ses propres avantages mais aussi ses inconvénients expliquant qu’il n’existe pas de modèle unique.

Le suivi d’une population embryonnaire nécessite le recours au marquage cellulaire. Autrefois, celui-ci faisant appel à des colorants vitaux ou à l’utilisation de particules de charbon. La première révolution dans ce domaine a été proposée par l’école allemande de Hans Spemann qui a mis au point le système des chimères interspécifiques entre deux espèces d’amphibiens. Cette technique a été étendue aux oiseaux grâce à la mise en évidence du marqueur caille par Nicole Le Douarin. Actuellement, le suivi du lignage cellulaire fait appel à de très nombreuses techniques : vidéomicroscopie pour les organismes dont l’embryon est translucide, marquage membranaire ou intra-cellulaire, pratique de chimères, voire même analyse clonale chez la souris grâce à l’utilisation de la recombinaison dans le système Cre-Lox.
Les potentialités de différenciation d’une cellule seront plus facilement étudiées grâce aux différentes méthodes de culture qui ont été améliorées et qui permettent actuellement des analyses très fines dans toutes les espèces.
L’analyse des fonctions des gènes peut être réalisée grâce à une mutagenèse dans différentes espèces. La drosophile, le vers C. elegans, le poisson zèbre sont particulièrement utilisés. La souris, grâce aux techniques de transgenèse classique mais surtout de mutagenèse ciblée par recombinaison homologue, est devenu un des grands modèles génétiques du développement. Actuellement, des perturbations transitoires sont obtenues dans de nombreuses espèces grâce à l’électroporation in vivo. Cette technique permet, non seulement d’entraîner une hyperexpression d’un gène d’intérêt dans un territoire ciblé mais aussi d’invalider l’expression d’un gène grâce à l’utilisation de l’interférence ARN ou de morpholinos.
Le développement de la biologie moléculaire a permis la comparaison des espèces grâce au séquençage de gènes homologues donnant des informations nouvelles et complémentaires des données plus classiques. Ceci a montré la grande conservation des gènes dans les différentes espèces animales et a conduit, parfois, à une nouvelle classification des espèces vivantes.

Toutes ces données expérimentales ont conduit à une véritable explosion de la biologie du développement ces dernières années. Cette discipline met en lumière, s’il en est besoin, l’importance des analyses multidisciplinaires dont la composante morphologique reste fondamentale.