Craniosténoses : de la chirurgie aux gènes
Dominique Renier, Elisabeth Lajeunie (†), Martin Catala
Service de Neuro-Chirurgie Pédiatrique, Hôpital des Enfants Malades, Paris


Les craniosténoses sont des malformations caractérisées par le fusion prématurée d’une ou de plusieurs sutures du dermatocrâne. Comme la suture est la zone active de croissance de la voûte du crâne, il en résulte un défaut de croissance dans une direction et une compensation dans la direction orthogonale à la suture affectée. De ce fait, le crâne se déforme entraînant des aspects cliniques divers selon la forme de cette malformation : scaphocéphalie, plagiocéphalie, oxycéphalie, trigonocéphalie, brachycéphalie … Cette classification n’a pas qu’une importance académique et ne doit pas être considérée comme une pure tentative entomologique de répertoire. En effet, certaines de ces formes comme l’oxycéphalie peuvent évoluer vers de graves complications cliniques comme l’hypertension intra-crânienne. Quant aux formes dites plus bénignes, elles méritent l’attention du praticien car elles risquent d’entraîner chez le grand enfant une blessure narcissique aux conséquences psychiques prédominantes.
Depuis ma nomination aux Enfants Malades, j’ai développé un groupe multidisciplinaire d’étude de ces malformations. Nous avons ainsi pu colliger plus de 3000 observations, ce qui représente de très loin la plus grande série mondiale. De plus, nous avons proposé une attitude chirurgicale afin de réparer ces crânes malformés. Nous avons pu ainsi déterminer le meilleur moment de l’intervention afin de restaurer un pronostic fonctionnel et esthétique le meilleur possible. Mais, la principale avancée de notre groupe a été la possibilité d’isoler des familles présentant des syndromes dont la craniosténose est une des composantes. Ceci a permis l’étude génétique, la localisation et la caractérisation de gènes impliqués dans ces maladies. Il a été ainsi montré que les récepteurs 1 et 2 des FGF, les facteurs de transcription Twist et Msx jouaient un rôle dans l’émergence de ces phénotypes. En ce qui concerne les récepteurs des FGF, les mutations observées entraînent un gain de fonction. L’analyse du rôle de ces gènes fait désormais partie de la biologie du développement expérimentale. Tous ces acteurs moléculaires jouent un rôle dans un véritable réseau moléculaire interdépendant dont l’action ultime est la formation osseuse. Un déséquilibre dans ce réseau peut entraîner l’apparition d’une craniosténose.
A l’issue de ces travaux, plusieurs données troublantes invitent le clinicien à tenir son esprit en éveil : (i) la même mutation du même gène peut entraîner des syndromes différents, (ii) un même syndrome peut être dû à une mutation de deux gènes différents, (iii) les facteurs environnementaux jouent un rôle non négligeable, ainsi, le taux de scaphocéphalie est plus élevé chez les jumeaux (suggérant un rôle des contraintes mécaniques intra-utérines). Il en est de même de la position allongée sur le dos imposée par nos collègues pédiatres qui génèrent des craniosténoses positionnelles.
Références :
E. Lajeunie, M. Catala, D. Renier. Craniosynostosis : from a clinical description to an understanding of bone formation of the skull. Child’s Nerv Syst 1999;15:676-680.
D. Renier, E. Lajeunie, E. Arnaud, D. Marchac, M. Catala. Craniosténoses. Encycl Méd Chir (Editions Scentifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Pédiatrie, 4-096-B-10, 2000, 15p.

† Cette présentation est dédiée à la mémoire d’Elisabeth Lajeunie.