Croissance et développement du cerveau foetal : apport de l’imagerie par résonance magnétique in utero
Guy Sebag, C. Garel, S. Dorgeret, T. Bui, M. Elmaleh, M. Hassan
Service d’Imagerie Pédiatrique et Laboratoire d'Imagerie du Développement
Institut Claude Bernard, IFR 02, Université Paris VII, Hôpital Robert Debré, Paris


I. POINTS ESSENTIELS
Les progrès récents de l'IRM sont d'un apport considérable dans la connaissance des processus de croissance et développement in utéro du cerveau fœtal. En effet, l’IRM fœtale est une nouvelle technique d’exploration du fœtus ; son rôle n’a fait que croître pendant ces dix dernières années et cet examen est devenu un outil d’imagerie indispensable des centres de diagnostic prénatal. Le cerveau fœtal a été le premier et reste encore le principal champ d’investigation de l’IRM fœtale qui ne peut cependant prétendre remplacer l’échographie dans le dépistage des anomalies cérébrales fœtales.
Dans trois domaines essentiels que sont la biométrie, l’analyse de la gyration et du manteau cérébral, l’IRM apporte des éléments essentiels échappant en partie voire totalement à l’étude échographique. L’IRM permet aussi de dépister des pathologies difficiles voire impossibles à diagnostiquer en échographie telles que des anomalies discrètes du cervelet (dont le pronostic est souvent très mauvais), des anomalies de la gyration ou des anomalies du parenchyme cérébral, qu’elles soient constitutionnelles ou acquises.
L’IRM se place en outil complémentaire indispensable de l’échographie qui permet souvent le diagnostic de ces anomalies mais pas toujours une analyse exhaustive.

II - APPORT DE L’IRM FŒTALE A L'ETUDE DU CERVEAU EN DEVELOPPEMENT
L’IRM présente par rapport à l’échographie l’avantage de pouvoir distinguer le cerveau de la boite crânienne même si les espaces péricérébraux sont relativement fins et de pouvoir bien visualiser la fosse postérieure et les deux hémisphères cérébraux quelle que soit la position de la tête fœtale. Cet examen permet donc une analyse plus précise du cerveau fœtal dans trois domaines : la biométrie, la gyration et le parenchyme cérébral.

  1. Biométrie cérébrale et visibilité des espaces péricérébraux
    En échographie, la mesure du diamètre bi-pariétal (BIP) et du périmètre crânien concerne la boite crânienne et non le cerveau. La bonne visibilité des espaces péricérébraux permet en IRM de mesurer le diamètre fronto-occipital et le BIP cérébral qui reflètent la mesure vraie du cerveau fœtal. Ainsi, des normes ont été établies de 22 à 38 SA. L’index crânio-cérébral (BIP osseux-BIP cérébral/BIP osseux) dont la valeur décroît au cours de la grossesse reflète la diminution progressive des espaces péricérébraux lors de la croissance cérébrale.
    L’échographie ne permet pas toujours de mesurer de façon fiable et reproductible les deux ventricules latéraux, le ventricule le plus superficiel étant souvent mal visualisé. L’IRM permet constamment de mesurer les deux ventricules latéraux, le troisième et le quatrième ventricules.
    En échographie, on peut toujours mesurer le diamètre transversal du cervelet. Par contre, l’analyse du vermis est plus aléatoire et dépend de la position fœtale. En IRM, on peut mesurer la hauteur, le diamètre antéro-postérieur et la surface vermienne.
    Nous ne disposons pas actuellement de normes de taille du tronc cérébral. On peut cependant établir par segmentation et planimétrie semi-automatique la surface du vermis et du tronc cérébral, le rapport vermis / tronc cérébral augmentant de 63 % à 85 % entre 28 et 39 SA. Il est important en pratique courante de vérifier que le relief protubérantiel est bien présent.
  2. Gyration
    La bonne visibilité de la surface du cerveau en IRM permet une bonne analyse de la gyration du cerveau fœtal, qui constitue un excellent index de maturation fœtale et était jusqu’à présent connu essentiellement en neurofoetopathologie sur des séries relativement petites. Les coupes réalisées en IRM en pondération T2 dans les trois plans de l’espace permettent une analyse de la gyration tout à fait comparable à celle qui peut être réalisée sur des examens foetopathologiques.
    Dans notre expérience, la meilleure corrélation entre la visibilité d’un sillon et l’âge gestationnel est obtenue pour les sillons détectables après 28 SA (sillons frontaux supérieur et inférieur, temporal inférieur, temporal supérieur à sa partie antérieure, occipito-temporal externe et sillons secondaires. A 34 SA, les sillons primaires et la plupart des sillons secondaires sont présents et au-delà de ce terme, la finesse des espaces péri cérébraux rend plus difficile l’analyse des sillons. Il apparaît donc que le meilleur intervalle pour étudier la gyration en IRM se situe entre 28 et 34 SA.
  3. Parenchyme cérébral
    La myélinisation constitue la dernière phase de la maturation cérébrale et débute pendant le deuxième trimestre de la vie fœtale. l’IRM paraît être une méthode d’imagerie particulièrement bien adaptée à l’étude de la myélinisation puisque les modifications biochimiques contemporaines de ce phénomène se traduisent par des variations de signal du parenchyme cérébral. Ceci a été étudié in vivo et in vitro.
    La zone germinative, hyper intense en T1, en péri ventriculaire, disparaît progressivement pour ne persister après 30SA environ que dans la région sous-épendymaire.
    Le ruban cortical est également hyper intense en T1.
    Entre les deux, l’aspect de la zone intermédiaire est variable, subdivisé en deux ou trois couches selon les vagues de migration neurogliale.
    Que ce soit pour apprécier la maturation du parenchyme cérébral, ou pour rechercher une pathologie, il apparaît indispensable de réaliser des coupes pondérées en T1. L'imagerie du tenseur de diffusion apparait extrèmement prometteuse dans l'appréciation quantitative des processus de myélinisation et dans la vectorisation des faisceaux nerveux.
  4. Pathologie de la biométrie cérébrale et des espaces péricérébraux
    L’IRM permet de faire la part en cas d’anomalie du BIP et du PC en échographie de ce qui revient au cerveau et de ce qui concerne les espaces péricérébraux. Ainsi, lorsque les espaces péri cérébraux paraissent élargis en échographie, il est très important de savoir si la biométrie cérébrale vraie est normale ou pas. La signification d’espaces péricérébraux élargis sans anomalie de signal reste pour l’instant peu connue. La bonne visibilité de ces espaces permet de déceler en IRM un hématome sous-dural invisible en échographie et qui ne s’accompagne pas nécessairement d’anomalie de la biométrie. Par ailleurs, la diminution de l’index crânio-cérébral (et donc des espaces péricérébraux) peut être un signe indirect d’œdème cérébral et s’observe fréquemment dans notre expérience dans la pathologie circulatoire chez les fœtus présentant des anomalies de doppler cérébral et ombilical.
    La biométrie du système ventriculaire permet une évaluation précise d’une dilatation ventriculaire. Dans ce domaine, rappelons que la recherche de lésions associées a une incidence pronostique très importante.
    La biométrie cérébelleuse et l’évaluation morphologie du tronc cérébral sont d’un très grand apport dans les pathologies de la fosse postérieure. En effet, la résolution spatiale de l’IRM fœtale est pour l’instant insuffisante et ne permet pas de visualiser les 9 lobules composant le vermis. C’est donc sur des données essentiellement biométriques qu’on se fonde pour diagnostiquer une anomalie vermienne, la différence entre hypoplasie et agénésie partielle du vermis n’étant pas toujours aisée mais n’influant pas sur le pronostic de toute façon mauvais d’une telle anomalie. La position de la tente du cervelet est constamment vue en IRM et est beaucoup plus difficile à apprécier en échographie si la coupe sagittale médiane ne peut être obtenue. De même la morphologie du quatrième ventricule, importante à considérer qu’il s’agisse d’une dilatation kystique du ventricule ou d’une agénésie vermienne est beaucoup plus facilement analysable en IRM.
    Le diagnostic d’hypoplasie du tronc cérébral repose donc sur la disparition ou l’atténuation du relief protubérantiel et sur l'analyse de la biométrie

EN CONCLUSION
Les progrès récents de l'IRM ont été d'un apport considérable dans l'exploration in utéro des processus de développement normaux et pathologiques du cerveau fœtal.
L'IRM cérébrale fœtale présente donc des avantages indiscutables par rapport à l'échographie. tant donné la difficulté d'accès et la lourdeur de cet examen pour une femme enceinte, ses indications doivent être bien pesées au sein d'un centre de diagnostic prénatal et sa position se situe de toutes façons en second après une échographie de référence.


Références :
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